Jason Statham, roi de la tatane !
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Jason Statham, roi de la tatane !
Le Cockney mal luné revient avec "Blitz", vigilante dans lequel il règle son compte à un tueur de flics. Radioscopie en dix points du phénomène Statham, qui s'est imposé (en force) dans le paysage depuis 1998. Culte ? Alexis Geng
Les débuts d’acteur
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Au départ, Jason Statham n’était pas particulièrement parti pour devenir un spécialiste du film d’action pur et dur, bien qu'il ait à l'origine pensé à devenir cascadeur. Lorsqu’il débute à l’écran au côté, entre autres, de son ami Vinnie Jones dans Arnaques, crimes et botanique, réjouissante première œuvre d’un inconnu nommé Guy Ritchie, il incarne d’abord le petit escroc londonien dans un film qui sert de matrice au génial Snatch (le deuxième film des compères, sorti deux ans plus tard), lequel a largement réinventé (et relancé) le film de gangsters à la sauce british. C’est d’ailleurs parce que ce débutant a tâté du marché noir plus jeune que le réalisateur l'a engagé pour incarner "Bacon" – durant l’audition, Statham aurait joué d'autant plus efficacement le refourgueur de fausse joaillerie que cette activité ne lui était pas inconnue. Avec plus tard Revolver (nettement moins culte), on peut sans exagérer affirmer que Guy Ritchie a "inventé" Jason Statham acteur, avant que Luc Besson avec ses Transporteurs ne révèle et consacre la star de film d’action que l’on connaît aujourd’hui - et que l'on commençait à deviner avec The One, par exemple. Deux pygmalions pour une égérie sacrément musculeuse.
Une gueule (et un physique)
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Jason Statham est ce qu’on appelle une "gueule". Tondu (et chauve), velu, mal rasé, doté d'un physique râblé (1m75 seulement mais plutôt dense) surmonté d'une tête de boxeur pas immédiatement avenante et d'une solide mâchoire, l’acteur britannique n'a clairement pas l'allure du jeune premier. Le problème quand on a une gueule, c’est qu'autant le fonds de commerce est garanti, autant l'on peut assez aisément se retrouver cantonné aux seconds rôles. C'est moins vrai concernant le film d’action, vers lequel cet ex-sportif de haut niveau s'est naturellement tourné.
Statham, c’est une dégaine de hooligan auquel on vient de renverser sa pinte, un physique de Wayne Rooney du cinéma et un acteur à l’aise dans les rôles physiques (même hors combats), à qui l'on demandera plus facilement d’incarner un prolo ou un tueur à gages des bas-fonds londoniens que le majordome de la famille royale britannique. Par ailleurs, cette forme physique étincelante (voir photo ci-dessous) en contraste avec la dégaine teigneuse du type qui s'envoie deux paquets de gauloises sans filtre et cinq whiskies avant le déjeuner fonde le sex-appeal de Statham, et son succès auprès d'un certain public féminin. Et question culturisme, l'ami Jason ne donne pas dans l'esbroufe, affirmant :
"Les types musclés c'est joli à regarder dans le miroir, et alors ? Ce qui m'intéresse, c'est la force effective qui va m'aider à courir, à sauter, à me tordre, à frapper." Surtout à frapper.
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Le background
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Parler de passé honteux serait très exagéré (et pas très adroit…), mais il est des disciplines sportives plus évidentes pour devenir une star de cinéma que le plongeon en bassin. Le jeune Jason Statham fait ainsi durant plusieurs années et dès l'adolescence partie de la sélection britannique, voyage un peu partout et se classe 12ème de la discipline aux championnats du monde en 1992, après avoir rêvé d'or olympique. Repéré par un agent lors d’un entraînement, le plongeur fait un peu de modeling pour quelques marques de sportswear et pour la marque French Connection. Comme on l’a dit plus haut, sa biographie mentionne également, après la carrière sportive, un intéressant passé de refourgueur de (faux) parfums et de (fausse) joaillerie à la sauvette (activité qu'il qualifie de "lucrative", tout en précisant qu'il n'a pas de casier et n'a pas fait de prison), quelques années avant que Guy Ritchie ne fasse appel à son expertise.
Question passé/passif, signalons en passant que son nom se prononce /'stei.θhəm/ ou "Stay-thum" (à l’anglaise), mais qu’en France, en raison sans doute d’une certaine similarité phonétique avec le terme "tatane" et d’une légère tendance à ne pas trop se fouler quand il s'agit de prendre l’accent, on dira plus simplement "Statame".
Citation du monsieur qui met les choses au point, toujours brut de décoffrage : "Je n'ai jamais été le genre à courir partout sur la plage en Speedo." Au cas où il y aurait eu malentendu.
Petit souvenir avec cette pub de 1997 :
Action hero
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Jason Statham, s’il a donc un passé de sportif et s’est depuis longtemps passionné pour les arts martiaux (kung-fu, kickboxing, etc.), n’est cependant pas un champion historique de ces sports de combat, à la manière d’un Bruce Lee (qui inventa sa propre forme de kung fu), d'un Steven Seagal (champion d'aïkido et ultime spécialiste de la clé de bras) ou d’un Chuck Norris (six fois champion du monde de karaté catégorie poids moyens, entre autres, et humoriste reconnu). Statham est donc avant tout un acteur qui se bat (excellement) et non un combattant qui joue, comme l'étaient avant lui Stallone ou le culturiste Schwarzy, pour n'en citer que deux, voire aujourd'hui le Matt Damon des Jason Bourne ou le Liam Neeson de Taken (ces deux derniers n’en ayant évidemment pas fait leur fonds de commerce quasi exclusif).
Mais le tonique Britannique ajoute à ses talents pour les "arts martiaux mixtes" et à une compétence reconnue en matière de kicks un goût pour les cascades qu’il accomplit pour la plupart lui-même, qu’il s’agisse de conduire (notamment dans les Transporteurs), de combattre ou d'encaisser les chutes. Statham serait donc un vrai badass, puisqu’en réalité (et quoiqu’en dise la promo), rares sont les acteurs à véritablement défier les assureurs comme il le fait. Le Britannique s'entretient soigneusement, discipline qui culmina lors de la préparation de Death Race, effectuée sous la houlette d'un ancien Navy Seal qui avait entraîné les gaillards de 300 et le fit descendre à 7% de taux de graisse dans le corps. Amateur de voitures et d'armes à feu, Statham fréquente par ailleurs les stands de tirs de L.A., affirmant y avoir déjà traîné, en compagnie de Vinnie Jones, un certain Brad Pitt : "Nous allons tous dans un stand dans le centre, on accroche la cible, on sort le vieux .44 Magnum et bang bang bang. Dirty Harry-style.[...] C'est très amusant et je ne peux pas me blesser." [Daily Mail, 2008] Le casse-cou prend donc ses précautions...
Jason Statham/Frank Martin en action :
Le jeu d'acteur
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Rayon palette de jeu, Jason Statham n’a pour le moment pas trop varié les approches (ou si peu, pour interpréter le bad guy de Cellular voire le chevelu de Revolver), notamment dans ses films d’action pure, le cocktail "intimidation + bon samaritain au look de bad boy + humour-cinglant-avec-des-baffes-dedans" lui allant bien au teint. On a par ailleurs plus souvent entendu parler de ses entraînements au combat rapproché que de ses répétitions à la Royal Academy of Dramatic Art. Nevertheless, l'homme sait jouer, indubitablement, et composer d'inoubliables déglingos (Chev Chelios) ; puis, comme toute vraie star de cinéma, Jason Statham dispose d'une incontestable capacité à susciter l’adhésion, tout en imposant film après film un personnage et une silhouette propres, immédiatement reconnaissables, qu’il décline à l’envie.
Côté influences, le Britannique a plutôt bon goût puisqu’il chérirait tout spécialement Paul Newman, Steve McQueen, Charles Bronson et Clint Eastwood, mais également Bruce Lee - pas trop une surprise. Disons que celui dont il se rapproche le plus parmi ces derniers, notamment dans le vigilante Blitz, reste sans doute ce parangon du dur à cuire qu'est Charlie Bronson… Statham ayant d’ailleurs récemment repris le rôle du monsieur dans le remake du Flingueur. On croit aussi déceler chez lui une légère touche de Kurt Russell made in UK, même s'il reste un peu de chemin au valeureux Jason pour rejoindre son aîné : tous deux ont certes été dirigés par John Carpenter, mais quand l'un affiche The Thing ou New York 1997 à son tableau de chasse, l'autre se contente d'un Ghosts of Mars. Cet héritage badass s'enrichit d'une mutation évidente qu'on peut ériger en caractéristique "stathamienne" : si un acteur occidental peut aujourd'hui se targuer d'incarner l'héritage de Hong-Kong (JCVD s'étant quelque peu effacé), c'est bien lui, héros d'action moderne qui recourt aussi fréquemment au high kick qu'au calibre. Enfin, manifestement doué pour la comédie (et ce n'est pas le moindre de ses talents), l'acteur anglais sait faire rire - volontairement, le plus souvent, ce qui n'était pas le cas de tous ses prédecesseurs.
Quelques sympathiques citations :
"Guy Ritchie, he thinks going to drama school is the worst thing in the world." >> "Guy Ritchie, il pense qu’aller à l’école d’arts dramatiques est la pire chose au monde."
"I'm certainly not Tom Cruise or Brad Pitt." >> "Je ne suis certainement pas Tom Cruise ou Brad Pitt."
"You ain't ever gonna get an Academy Award for doing Crank (2006) and you certainly won't for doing all the other movies I've done." >> "Vous ne recevrez jamais un Oscar pour avoir fait Hyper tension et vous n’en recevrez certainement jamais pour avoir fait tous les autres films que j’ai faits."
La filmographie
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Rayon "culte", les deux premiers Guy Ritchie se posent là, de même que, dans un autre registre et à une autre échelle, Hyper tension (ainsi que sa suite), tant ils vont loin dans "l'expérimentation" (personne n'a oublié la tagline du deuxième volet : "He was dead… But he got better" >> "Il était mort… mais il va mieux"). Les Transporteurs ont imposé Statham aux yeux du grand public et (surtout) des amateurs de genre avec quelques scènes marquantes, lui ont permis d’être attaché à une franchise rentable tout en posant un standard du film d’action de série B, cependant on se gardera bien de parler de culte. On trouve ensuite le très réussi Braquage à l'anglaise et le moins essentiel (hors poursuite en Minis) remake Braquage à l'italienne, dans lequel Statham ne tenait pas le premier rôle. S’il a échappé au naufrage Hitman (il fut un temps question de l'engager, après la défection de Vin Diesel), le Britannique affiche quand même sur son CV un certain nombre de films passables, tantôt jouissifs tantôt peu reluisants, des remakes pas forcément indispensables (Death Race, Le Flingueur), voire des nanars ou direct-to-dvd (King Rising, "fantaisie médiévale" signée Uwe Boll, qui pourtant changeait l'acteur de contexte), et donc quelques échecs, Revolver étant le plus cinglant du lot (puisque ce premier rôle aurait pu lui servir de tremplin pour grimper dans la hiérarchie et aller vers autre chose ; comme quoi la perruque, fallait pas). On ne dira rien de 13, remake de 13 Tzameti, pour la bonne et simple raison qu'on ne l'a pas vu puisqu'il n'est pas encore sorti - alors que le tournage est fini depuis belle lurette.
Parmi ces quelques échecs, aucun n'a cependant entravé la dynamique de Jason Statham, qui a cartonné l’an passé avec The Expendables (culte par essence), enchaîne les tournages et vient par exemple de jouer le premier rôle de The Killer Elite (voir la BA ci-dessous) au côté de la légende De Niro - dont la filmo n’est certes pas très mémorable depuis une quinzaine d’années, mais enfin Bob reste Bob. Et puis s'il n'est jamais réellement sorti d'un plaisant personnage qui oscille entre bourru et bourrin, et même si l'action n'est jamais loin, Statham a néanmoins varié les genres et les registres (SF, fantasy, aventure, comique, dramatique), et compte une ou deux collaborations prestigieuses : John Carpenter (pas à son meilleur, on l'a dit) ou Michael Mann (pour un quasi cameo).
La cote
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Sans lui faire insulte (puisqu’on l’apprécie au point de lui dédier ce dossier) et en dépit de sa popularité, Jason Statham ne boxe pas dans la catégorie poids lourds, même s’il s’en rapproche graduellement, pas plus qu'il n'appartient à la A-list des studios. En 2008, le journaliste du Daily Mail qui l'interviewait avait beau se demander s'il s'apprêtait à devenir "le premier action hero britannique à toucher 20 millions de dollars par film", les productions dont il est la tête d’affiche ne font généralement pas partie des plus importantes ou attendues, ou lorsqu’elles le sont, il n’y tient pas seul la vedette et partage la lumière avec d’autres (The Expendables, Braquage à l'italienne, qui sont parmi ses plus gros succès). L'acteur a néanmoins fait la preuve qu’à son échelle, il était bankable, et les recettes de ses films auraient, à ce qu'on a pu lire, dépassé le milliard de dollars, même si côté salaires (comme recettes) Statham n'émarge sans doute pas au niveau d’un Vin Diesel (un peu emmuré dans sa franchise F&F de ce point de vue) ou même d’un Dwayne Johnson, pour citer quelques action hero modernes – et américains, auxquels il est au fond dommage de le comparer tant son profil diffère. En somme, Statham c’est un remarquable rapport qualité-prix et une figure de superstar de la série B, plus proche côté box-office (mais moins perché) d’un Van Damme que d’un Schwarzy post-Terminator.
Niveau cote d'amour, l'acteur britannique semble en passe de devenir "culte" aux yeux d'une certaine critique (en vertu d'un snobisme crypto-geek vaguement condescendant et "second degré", il est vrai). Le fait est qu'en assumant pleinement le personnage dans lequel il s'est laissé enfermer et pour lequel son public vient le voir, il ne peut que se rendre sympathique.
L'égo mesuré ?
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Caractéristique frappante dans un cinéma d’action peuplé d'egos et de justiciers solitaires qui par définition n’aiment pas la compagnie, sauf quand elle consiste en faire-valoir, Jason Statham a fréquemment partagé l’affiche avec aussi/plus connu que lui et laisse généralement de l'espace à ses partenaires, y compris dans les productions qui s’articulent autour de son personnage. Le Britannique a tourné à trois reprises avec Jet Li, affronté un Wesley Snipes (sur le retour) dans Chaos, laissé les légendes des années 1980-90 truster la promo de The Expendables et s'est dilué dans le casting de Braquage à l'italienne. Bref, Statham est le genre d'acteur qui accepte les seconds rôles sans broncher (peut-être parce qu’il n’a pas le choix s’il veut être dans de plus vastes projets), voire les apparitions (Collateral), en attendant qu’on puisse un jour monter un film à 200 millions de dollars dont il serait le héros, son ami Vinnie Jones le bad guy et Rosie Huntington-Whiteley (sa girlfriend mannequin chez Victoria’s Secret qui succède à Megan Fox dans Transformers 3) le premier rôle féminin.
A titre d'exemple, voici comment il expliquait avoir choisi de faire Braquage à l'anglaise, qui signait à l'époque son retour sur la terre natale :
"There's no way I'm doing Shakespeare, but I've put in ten years and I'm trying to convince people I can do something else. I'm trying to expand within my limits." >> "Il n'y a pas moyen que je fasse du Shakespeare, mais j'ai passé dix ans [à faire l'acteur] et je m'efforce de convaincre les gens que je peux faire quelque chose d'autre [que des films d'action]. J'essaie de me développer à l'intérieur de mes limites." [Daily Mail]
La concurrence
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Elle est nombreuse et variée, chacun tenant sa boutique. Entre Vin Diesel et The Rock dans la catégorie maousse-costauds héritiers de Schwarzy et, à l’autre extrémité du spectre, les oscarisables/oscarisés qui se mettent au close-combat type Matt Damon en implacable interprète des Jason Bourne (ou son successeur Jeremy Renner ?), en passant par les stars des arts martiaux comme Tony Jaa, voire par un profil atypique comme celui de Clive Owen (Sin City, Shoot'Em Up ou le premier Bourne pour le côté badass, partenaire de Statham dans The Killer Elite et véritable piste pour Bond, lui), il existe, aujourd’hui comme hier, toute une gamme d'action heroes et même toute une série de gammes – on laisse à part les vétérans Stallone ou Jackie Chan. Bien sûr, on parlera moins de concurrence dans le cas d'un Damon, de même qu'on ne comparera pas une série B assumée, pleine d'humour, de dérision ou d'exagération avec une trilogie sombre et réaliste comme celle de l'autre Jason.
Le profil de Statham fait dans ce cadre sa valeur puisqu’il a n'a pas d’équivalent, même si cela ne l’empêche pas d’être parfois mis en concurrence avec certains confrères, comme dans le cas de Hitman (et l’on note que le Britannique passait après Vin Diesel dans la hiérarchie de la production). Certaines limites paraissent pour l'instant infranchissables : il reste improbable que Statham pique sa place au 007 incarné par Daniel Craig, subtil acteur devenu le bulldozer grâce auquel/à cause duquel on imagine mal revoir un jour un James Bond à la Roger Moore. Même si Statham, citoyen britannique, a un gros faible pour les Aston Martin et n'a pas fait mystère de son intérêt pour le rôle (un « rêve »), on le conçoit plus facilement homme de main du méchant de service que nouvelle incarnation du mythe Bond. Question de classe (sociale) mais aussi de passé (passif) d’acteur, la silhouette de Statham se révélant aussi encombrante ici qu’utile en d’autres circonstances : Bruce Willis vieillissant à vue d’œil, on se dit que s'il fallait trouver un nouveau John McClane (version cockney) capable de balancer du "Yippie-Kay-yee, pauvre con" avec un aplomb comparable à celui de l'original, Statham serait probablement à son aise et resterait dans son registre - y compris capillairement parlant.
La signature
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On aurait pu commencer par là, définir ce qui fait l'essence de la statham-itude, mais mieux vaut garder le meilleur pour la fin. Outre ce mélange kung-fu/culture pub, force brute/dérision cool ou cette capacité à endosser des noms de personnages absolument improbables (Chev Chelios, Lee Christmas, Turkish ou Bacon, Frank Martin faisant figure d’exception), la signature de Jason Statham, c’est une certaine capacité à asséner ses réparties argoticomiques en les saupoudrant d'accent cockney, lequel donne toute sa saveur à des répliques telles que : "Do I look like I carry a pencil?" ("J’ai une tête à trimballer un stylo ?"), lorsqu’un informateur lui demande s’il va prendre en notes ce qu’il dit (Blitz). En cela Statham se fait l'héritier d'une double tradition : celle, nationale, de nos cousins d'outre-Manche qui allient l'ironie, le pittoresque et le second degré comme personne, et celle, plus large, des justiciers à la Clint Eastwood qui n'oublient jamais de balancer la réplique qui tue (la chose étant plus involontairement comique chez Chuck Norris).
Afin de proposer une qualification adéquate du parler stathamien, nous avons interrogé notre excellent collègue britannique de Screenrush, qui a bien voulu (il a du temps à perdre) comparer l’accent (cockney) de l’acteur dans ses films et celui qu’il a en interview. Verdict de notre expert :
"It’s a staccato estuary growl latterly stretched out by a slight transatlantic drawl." Traduction : "C’est un grognement saccadé typique de l’estuaire [de la Tamise], récemment prolongé/allongé sous l’effet d’un léger traînement transatlantique." C'est précis. Eclaircissements : "le cockney est quelque chose de très spécifique que Jason Statham emploie en l’exagérant dans ses films. Sa voix [dans l’interview qu’on a écoutée], je la décrirais comme « un grognement avec des 'sons vocaliques typiques de l’estuaire' [estuary vowel sounds]. J’entends également ce côté traînant dans sa voix, chose qui arrive lorsqu’un Anglais commence à passer beaucoup de temps aux Etats-Unis – si vous écoutez Steve Coogan invité au show de David Letterman, vous vous ferez une idée de ce que je veux dire." A vérifier ici, donc.
Illustration avec quelques réparties marquantes :
"If you gonna pick the wrong fight, at least pick the right weapon" >> "Si vous choisissez la mauvaise bagarre, choisissez au moins la bonne arme" [Blitz]
"Next time, I'll deflate all your balls, friend." >> littéralement : "La prochaine fois, je dégonfle tous tes 'ballons', l'ami", avec un splendide jeu de mots sur le double sens de "balls", bref next time Jason ne s'arrêtera pas au ballon de basket et passera aux boules, d'où en VF le plus explicite : "La prochaine fois c'est les couilles que je t'explose, l'ami." [The Expendables, en images ci-dessous :]
Inspecteur Tarconi (François Berléand) : "C’est une bonne chose que nous autres Français ayons un sens de l’humour si développé."
Frank Martin (Jason Statham) : "Sauf votre respect, les Français pensent que Jerry Lewis est un génie."
Inspecteur Tarconi :" Jerry Lewis est un génie."
Frank Martin : "Non. Dean [Martin] était un génie."
Inspecteur Tarconi : "Non. Dean se tenait juste là avec une cigarette et un verre."
Frank Martin : "C’est exactement ce que je veux dire. Tout le monde peut tomber et faire rire. Mais combien de gens peuvent faire rire en se tenant tranquillement avec une cigarette et un verre ?"
[Le Transporteur III]
Johnson (Robert Knepper) : "J’aimerais vous offrir un poste."
Frank Martin (Jason Statham) : "J’aimerais vous en offrir un aussi. Assis dans une chaise roulante."
[Le Transporteur III]
"I'm the Terminator." [Hyper tension]
"I wonder how many steaks I could make out of you?" >> "Je me demande combien de steaks je peux faire avec toi…" [Hyper tension].
Errol (Andy Beckwith) : "C’est vous “le Turc” ?"
Turkish (Jason Statham) : "Ben je suis pas un putain de Grec, pas vrai ?"
[Snatch]
Mickey (Brad Pitt, avec son incompréhensible accent pikey) : "Et elle [sa mère] a un gros faible pour le bleu pervenche, les gars. Est-ce que j’ai été clair, les mecs ?"
Turkish (Jason Statham) : "Oui, c’est parfaitement clair, Mickey. Donne-moi seulement une minute pour que je discute avec mon collègue."
Turkish (à Tommy/Stephen Graham) : "Est-ce que tu as compris un mot à ce qu'il vient de dire ?"
[Snatch, voir ci-dessous en images :]
"For ever action, there is a reaction. And a Pikey reaction... is quite a fucking thing." >> "Pour toute action il y a une réaction. Et une vengeance de gitan… c’est une putain de vengeance."
[Snatch, voir ci-dessous en images]
L'humour à la Statham se décline aussi en pubs (sans jeu de mots), la preuve :
Les débuts d’acteur
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Au départ, Jason Statham n’était pas particulièrement parti pour devenir un spécialiste du film d’action pur et dur, bien qu'il ait à l'origine pensé à devenir cascadeur. Lorsqu’il débute à l’écran au côté, entre autres, de son ami Vinnie Jones dans Arnaques, crimes et botanique, réjouissante première œuvre d’un inconnu nommé Guy Ritchie, il incarne d’abord le petit escroc londonien dans un film qui sert de matrice au génial Snatch (le deuxième film des compères, sorti deux ans plus tard), lequel a largement réinventé (et relancé) le film de gangsters à la sauce british. C’est d’ailleurs parce que ce débutant a tâté du marché noir plus jeune que le réalisateur l'a engagé pour incarner "Bacon" – durant l’audition, Statham aurait joué d'autant plus efficacement le refourgueur de fausse joaillerie que cette activité ne lui était pas inconnue. Avec plus tard Revolver (nettement moins culte), on peut sans exagérer affirmer que Guy Ritchie a "inventé" Jason Statham acteur, avant que Luc Besson avec ses Transporteurs ne révèle et consacre la star de film d’action que l’on connaît aujourd’hui - et que l'on commençait à deviner avec The One, par exemple. Deux pygmalions pour une égérie sacrément musculeuse.
Une gueule (et un physique)
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Jason Statham est ce qu’on appelle une "gueule". Tondu (et chauve), velu, mal rasé, doté d'un physique râblé (1m75 seulement mais plutôt dense) surmonté d'une tête de boxeur pas immédiatement avenante et d'une solide mâchoire, l’acteur britannique n'a clairement pas l'allure du jeune premier. Le problème quand on a une gueule, c’est qu'autant le fonds de commerce est garanti, autant l'on peut assez aisément se retrouver cantonné aux seconds rôles. C'est moins vrai concernant le film d’action, vers lequel cet ex-sportif de haut niveau s'est naturellement tourné.
Statham, c’est une dégaine de hooligan auquel on vient de renverser sa pinte, un physique de Wayne Rooney du cinéma et un acteur à l’aise dans les rôles physiques (même hors combats), à qui l'on demandera plus facilement d’incarner un prolo ou un tueur à gages des bas-fonds londoniens que le majordome de la famille royale britannique. Par ailleurs, cette forme physique étincelante (voir photo ci-dessous) en contraste avec la dégaine teigneuse du type qui s'envoie deux paquets de gauloises sans filtre et cinq whiskies avant le déjeuner fonde le sex-appeal de Statham, et son succès auprès d'un certain public féminin. Et question culturisme, l'ami Jason ne donne pas dans l'esbroufe, affirmant :
"Les types musclés c'est joli à regarder dans le miroir, et alors ? Ce qui m'intéresse, c'est la force effective qui va m'aider à courir, à sauter, à me tordre, à frapper." Surtout à frapper.
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Parler de passé honteux serait très exagéré (et pas très adroit…), mais il est des disciplines sportives plus évidentes pour devenir une star de cinéma que le plongeon en bassin. Le jeune Jason Statham fait ainsi durant plusieurs années et dès l'adolescence partie de la sélection britannique, voyage un peu partout et se classe 12ème de la discipline aux championnats du monde en 1992, après avoir rêvé d'or olympique. Repéré par un agent lors d’un entraînement, le plongeur fait un peu de modeling pour quelques marques de sportswear et pour la marque French Connection. Comme on l’a dit plus haut, sa biographie mentionne également, après la carrière sportive, un intéressant passé de refourgueur de (faux) parfums et de (fausse) joaillerie à la sauvette (activité qu'il qualifie de "lucrative", tout en précisant qu'il n'a pas de casier et n'a pas fait de prison), quelques années avant que Guy Ritchie ne fasse appel à son expertise.
Question passé/passif, signalons en passant que son nom se prononce /'stei.θhəm/ ou "Stay-thum" (à l’anglaise), mais qu’en France, en raison sans doute d’une certaine similarité phonétique avec le terme "tatane" et d’une légère tendance à ne pas trop se fouler quand il s'agit de prendre l’accent, on dira plus simplement "Statame".
Citation du monsieur qui met les choses au point, toujours brut de décoffrage : "Je n'ai jamais été le genre à courir partout sur la plage en Speedo." Au cas où il y aurait eu malentendu.
Petit souvenir avec cette pub de 1997 :
Action hero
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Jason Statham, s’il a donc un passé de sportif et s’est depuis longtemps passionné pour les arts martiaux (kung-fu, kickboxing, etc.), n’est cependant pas un champion historique de ces sports de combat, à la manière d’un Bruce Lee (qui inventa sa propre forme de kung fu), d'un Steven Seagal (champion d'aïkido et ultime spécialiste de la clé de bras) ou d’un Chuck Norris (six fois champion du monde de karaté catégorie poids moyens, entre autres, et humoriste reconnu). Statham est donc avant tout un acteur qui se bat (excellement) et non un combattant qui joue, comme l'étaient avant lui Stallone ou le culturiste Schwarzy, pour n'en citer que deux, voire aujourd'hui le Matt Damon des Jason Bourne ou le Liam Neeson de Taken (ces deux derniers n’en ayant évidemment pas fait leur fonds de commerce quasi exclusif).
Mais le tonique Britannique ajoute à ses talents pour les "arts martiaux mixtes" et à une compétence reconnue en matière de kicks un goût pour les cascades qu’il accomplit pour la plupart lui-même, qu’il s’agisse de conduire (notamment dans les Transporteurs), de combattre ou d'encaisser les chutes. Statham serait donc un vrai badass, puisqu’en réalité (et quoiqu’en dise la promo), rares sont les acteurs à véritablement défier les assureurs comme il le fait. Le Britannique s'entretient soigneusement, discipline qui culmina lors de la préparation de Death Race, effectuée sous la houlette d'un ancien Navy Seal qui avait entraîné les gaillards de 300 et le fit descendre à 7% de taux de graisse dans le corps. Amateur de voitures et d'armes à feu, Statham fréquente par ailleurs les stands de tirs de L.A., affirmant y avoir déjà traîné, en compagnie de Vinnie Jones, un certain Brad Pitt : "Nous allons tous dans un stand dans le centre, on accroche la cible, on sort le vieux .44 Magnum et bang bang bang. Dirty Harry-style.[...] C'est très amusant et je ne peux pas me blesser." [Daily Mail, 2008] Le casse-cou prend donc ses précautions...
Jason Statham/Frank Martin en action :
Le jeu d'acteur
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Rayon palette de jeu, Jason Statham n’a pour le moment pas trop varié les approches (ou si peu, pour interpréter le bad guy de Cellular voire le chevelu de Revolver), notamment dans ses films d’action pure, le cocktail "intimidation + bon samaritain au look de bad boy + humour-cinglant-avec-des-baffes-dedans" lui allant bien au teint. On a par ailleurs plus souvent entendu parler de ses entraînements au combat rapproché que de ses répétitions à la Royal Academy of Dramatic Art. Nevertheless, l'homme sait jouer, indubitablement, et composer d'inoubliables déglingos (Chev Chelios) ; puis, comme toute vraie star de cinéma, Jason Statham dispose d'une incontestable capacité à susciter l’adhésion, tout en imposant film après film un personnage et une silhouette propres, immédiatement reconnaissables, qu’il décline à l’envie.
Côté influences, le Britannique a plutôt bon goût puisqu’il chérirait tout spécialement Paul Newman, Steve McQueen, Charles Bronson et Clint Eastwood, mais également Bruce Lee - pas trop une surprise. Disons que celui dont il se rapproche le plus parmi ces derniers, notamment dans le vigilante Blitz, reste sans doute ce parangon du dur à cuire qu'est Charlie Bronson… Statham ayant d’ailleurs récemment repris le rôle du monsieur dans le remake du Flingueur. On croit aussi déceler chez lui une légère touche de Kurt Russell made in UK, même s'il reste un peu de chemin au valeureux Jason pour rejoindre son aîné : tous deux ont certes été dirigés par John Carpenter, mais quand l'un affiche The Thing ou New York 1997 à son tableau de chasse, l'autre se contente d'un Ghosts of Mars. Cet héritage badass s'enrichit d'une mutation évidente qu'on peut ériger en caractéristique "stathamienne" : si un acteur occidental peut aujourd'hui se targuer d'incarner l'héritage de Hong-Kong (JCVD s'étant quelque peu effacé), c'est bien lui, héros d'action moderne qui recourt aussi fréquemment au high kick qu'au calibre. Enfin, manifestement doué pour la comédie (et ce n'est pas le moindre de ses talents), l'acteur anglais sait faire rire - volontairement, le plus souvent, ce qui n'était pas le cas de tous ses prédecesseurs.
Quelques sympathiques citations :
"Guy Ritchie, he thinks going to drama school is the worst thing in the world." >> "Guy Ritchie, il pense qu’aller à l’école d’arts dramatiques est la pire chose au monde."
"I'm certainly not Tom Cruise or Brad Pitt." >> "Je ne suis certainement pas Tom Cruise ou Brad Pitt."
"You ain't ever gonna get an Academy Award for doing Crank (2006) and you certainly won't for doing all the other movies I've done." >> "Vous ne recevrez jamais un Oscar pour avoir fait Hyper tension et vous n’en recevrez certainement jamais pour avoir fait tous les autres films que j’ai faits."
La filmographie
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Rayon "culte", les deux premiers Guy Ritchie se posent là, de même que, dans un autre registre et à une autre échelle, Hyper tension (ainsi que sa suite), tant ils vont loin dans "l'expérimentation" (personne n'a oublié la tagline du deuxième volet : "He was dead… But he got better" >> "Il était mort… mais il va mieux"). Les Transporteurs ont imposé Statham aux yeux du grand public et (surtout) des amateurs de genre avec quelques scènes marquantes, lui ont permis d’être attaché à une franchise rentable tout en posant un standard du film d’action de série B, cependant on se gardera bien de parler de culte. On trouve ensuite le très réussi Braquage à l'anglaise et le moins essentiel (hors poursuite en Minis) remake Braquage à l'italienne, dans lequel Statham ne tenait pas le premier rôle. S’il a échappé au naufrage Hitman (il fut un temps question de l'engager, après la défection de Vin Diesel), le Britannique affiche quand même sur son CV un certain nombre de films passables, tantôt jouissifs tantôt peu reluisants, des remakes pas forcément indispensables (Death Race, Le Flingueur), voire des nanars ou direct-to-dvd (King Rising, "fantaisie médiévale" signée Uwe Boll, qui pourtant changeait l'acteur de contexte), et donc quelques échecs, Revolver étant le plus cinglant du lot (puisque ce premier rôle aurait pu lui servir de tremplin pour grimper dans la hiérarchie et aller vers autre chose ; comme quoi la perruque, fallait pas). On ne dira rien de 13, remake de 13 Tzameti, pour la bonne et simple raison qu'on ne l'a pas vu puisqu'il n'est pas encore sorti - alors que le tournage est fini depuis belle lurette.
Parmi ces quelques échecs, aucun n'a cependant entravé la dynamique de Jason Statham, qui a cartonné l’an passé avec The Expendables (culte par essence), enchaîne les tournages et vient par exemple de jouer le premier rôle de The Killer Elite (voir la BA ci-dessous) au côté de la légende De Niro - dont la filmo n’est certes pas très mémorable depuis une quinzaine d’années, mais enfin Bob reste Bob. Et puis s'il n'est jamais réellement sorti d'un plaisant personnage qui oscille entre bourru et bourrin, et même si l'action n'est jamais loin, Statham a néanmoins varié les genres et les registres (SF, fantasy, aventure, comique, dramatique), et compte une ou deux collaborations prestigieuses : John Carpenter (pas à son meilleur, on l'a dit) ou Michael Mann (pour un quasi cameo).
La cote
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Sans lui faire insulte (puisqu’on l’apprécie au point de lui dédier ce dossier) et en dépit de sa popularité, Jason Statham ne boxe pas dans la catégorie poids lourds, même s’il s’en rapproche graduellement, pas plus qu'il n'appartient à la A-list des studios. En 2008, le journaliste du Daily Mail qui l'interviewait avait beau se demander s'il s'apprêtait à devenir "le premier action hero britannique à toucher 20 millions de dollars par film", les productions dont il est la tête d’affiche ne font généralement pas partie des plus importantes ou attendues, ou lorsqu’elles le sont, il n’y tient pas seul la vedette et partage la lumière avec d’autres (The Expendables, Braquage à l'italienne, qui sont parmi ses plus gros succès). L'acteur a néanmoins fait la preuve qu’à son échelle, il était bankable, et les recettes de ses films auraient, à ce qu'on a pu lire, dépassé le milliard de dollars, même si côté salaires (comme recettes) Statham n'émarge sans doute pas au niveau d’un Vin Diesel (un peu emmuré dans sa franchise F&F de ce point de vue) ou même d’un Dwayne Johnson, pour citer quelques action hero modernes – et américains, auxquels il est au fond dommage de le comparer tant son profil diffère. En somme, Statham c’est un remarquable rapport qualité-prix et une figure de superstar de la série B, plus proche côté box-office (mais moins perché) d’un Van Damme que d’un Schwarzy post-Terminator.
Niveau cote d'amour, l'acteur britannique semble en passe de devenir "culte" aux yeux d'une certaine critique (en vertu d'un snobisme crypto-geek vaguement condescendant et "second degré", il est vrai). Le fait est qu'en assumant pleinement le personnage dans lequel il s'est laissé enfermer et pour lequel son public vient le voir, il ne peut que se rendre sympathique.
L'égo mesuré ?
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Caractéristique frappante dans un cinéma d’action peuplé d'egos et de justiciers solitaires qui par définition n’aiment pas la compagnie, sauf quand elle consiste en faire-valoir, Jason Statham a fréquemment partagé l’affiche avec aussi/plus connu que lui et laisse généralement de l'espace à ses partenaires, y compris dans les productions qui s’articulent autour de son personnage. Le Britannique a tourné à trois reprises avec Jet Li, affronté un Wesley Snipes (sur le retour) dans Chaos, laissé les légendes des années 1980-90 truster la promo de The Expendables et s'est dilué dans le casting de Braquage à l'italienne. Bref, Statham est le genre d'acteur qui accepte les seconds rôles sans broncher (peut-être parce qu’il n’a pas le choix s’il veut être dans de plus vastes projets), voire les apparitions (Collateral), en attendant qu’on puisse un jour monter un film à 200 millions de dollars dont il serait le héros, son ami Vinnie Jones le bad guy et Rosie Huntington-Whiteley (sa girlfriend mannequin chez Victoria’s Secret qui succède à Megan Fox dans Transformers 3) le premier rôle féminin.
A titre d'exemple, voici comment il expliquait avoir choisi de faire Braquage à l'anglaise, qui signait à l'époque son retour sur la terre natale :
"There's no way I'm doing Shakespeare, but I've put in ten years and I'm trying to convince people I can do something else. I'm trying to expand within my limits." >> "Il n'y a pas moyen que je fasse du Shakespeare, mais j'ai passé dix ans [à faire l'acteur] et je m'efforce de convaincre les gens que je peux faire quelque chose d'autre [que des films d'action]. J'essaie de me développer à l'intérieur de mes limites." [Daily Mail]
La concurrence
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Elle est nombreuse et variée, chacun tenant sa boutique. Entre Vin Diesel et The Rock dans la catégorie maousse-costauds héritiers de Schwarzy et, à l’autre extrémité du spectre, les oscarisables/oscarisés qui se mettent au close-combat type Matt Damon en implacable interprète des Jason Bourne (ou son successeur Jeremy Renner ?), en passant par les stars des arts martiaux comme Tony Jaa, voire par un profil atypique comme celui de Clive Owen (Sin City, Shoot'Em Up ou le premier Bourne pour le côté badass, partenaire de Statham dans The Killer Elite et véritable piste pour Bond, lui), il existe, aujourd’hui comme hier, toute une gamme d'action heroes et même toute une série de gammes – on laisse à part les vétérans Stallone ou Jackie Chan. Bien sûr, on parlera moins de concurrence dans le cas d'un Damon, de même qu'on ne comparera pas une série B assumée, pleine d'humour, de dérision ou d'exagération avec une trilogie sombre et réaliste comme celle de l'autre Jason.
Le profil de Statham fait dans ce cadre sa valeur puisqu’il a n'a pas d’équivalent, même si cela ne l’empêche pas d’être parfois mis en concurrence avec certains confrères, comme dans le cas de Hitman (et l’on note que le Britannique passait après Vin Diesel dans la hiérarchie de la production). Certaines limites paraissent pour l'instant infranchissables : il reste improbable que Statham pique sa place au 007 incarné par Daniel Craig, subtil acteur devenu le bulldozer grâce auquel/à cause duquel on imagine mal revoir un jour un James Bond à la Roger Moore. Même si Statham, citoyen britannique, a un gros faible pour les Aston Martin et n'a pas fait mystère de son intérêt pour le rôle (un « rêve »), on le conçoit plus facilement homme de main du méchant de service que nouvelle incarnation du mythe Bond. Question de classe (sociale) mais aussi de passé (passif) d’acteur, la silhouette de Statham se révélant aussi encombrante ici qu’utile en d’autres circonstances : Bruce Willis vieillissant à vue d’œil, on se dit que s'il fallait trouver un nouveau John McClane (version cockney) capable de balancer du "Yippie-Kay-yee, pauvre con" avec un aplomb comparable à celui de l'original, Statham serait probablement à son aise et resterait dans son registre - y compris capillairement parlant.
La signature
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On aurait pu commencer par là, définir ce qui fait l'essence de la statham-itude, mais mieux vaut garder le meilleur pour la fin. Outre ce mélange kung-fu/culture pub, force brute/dérision cool ou cette capacité à endosser des noms de personnages absolument improbables (Chev Chelios, Lee Christmas, Turkish ou Bacon, Frank Martin faisant figure d’exception), la signature de Jason Statham, c’est une certaine capacité à asséner ses réparties argoticomiques en les saupoudrant d'accent cockney, lequel donne toute sa saveur à des répliques telles que : "Do I look like I carry a pencil?" ("J’ai une tête à trimballer un stylo ?"), lorsqu’un informateur lui demande s’il va prendre en notes ce qu’il dit (Blitz). En cela Statham se fait l'héritier d'une double tradition : celle, nationale, de nos cousins d'outre-Manche qui allient l'ironie, le pittoresque et le second degré comme personne, et celle, plus large, des justiciers à la Clint Eastwood qui n'oublient jamais de balancer la réplique qui tue (la chose étant plus involontairement comique chez Chuck Norris).
Afin de proposer une qualification adéquate du parler stathamien, nous avons interrogé notre excellent collègue britannique de Screenrush, qui a bien voulu (il a du temps à perdre) comparer l’accent (cockney) de l’acteur dans ses films et celui qu’il a en interview. Verdict de notre expert :
"It’s a staccato estuary growl latterly stretched out by a slight transatlantic drawl." Traduction : "C’est un grognement saccadé typique de l’estuaire [de la Tamise], récemment prolongé/allongé sous l’effet d’un léger traînement transatlantique." C'est précis. Eclaircissements : "le cockney est quelque chose de très spécifique que Jason Statham emploie en l’exagérant dans ses films. Sa voix [dans l’interview qu’on a écoutée], je la décrirais comme « un grognement avec des 'sons vocaliques typiques de l’estuaire' [estuary vowel sounds]. J’entends également ce côté traînant dans sa voix, chose qui arrive lorsqu’un Anglais commence à passer beaucoup de temps aux Etats-Unis – si vous écoutez Steve Coogan invité au show de David Letterman, vous vous ferez une idée de ce que je veux dire." A vérifier ici, donc.
Illustration avec quelques réparties marquantes :
"If you gonna pick the wrong fight, at least pick the right weapon" >> "Si vous choisissez la mauvaise bagarre, choisissez au moins la bonne arme" [Blitz]
"Next time, I'll deflate all your balls, friend." >> littéralement : "La prochaine fois, je dégonfle tous tes 'ballons', l'ami", avec un splendide jeu de mots sur le double sens de "balls", bref next time Jason ne s'arrêtera pas au ballon de basket et passera aux boules, d'où en VF le plus explicite : "La prochaine fois c'est les couilles que je t'explose, l'ami." [The Expendables, en images ci-dessous :]
Inspecteur Tarconi (François Berléand) : "C’est une bonne chose que nous autres Français ayons un sens de l’humour si développé."
Frank Martin (Jason Statham) : "Sauf votre respect, les Français pensent que Jerry Lewis est un génie."
Inspecteur Tarconi :" Jerry Lewis est un génie."
Frank Martin : "Non. Dean [Martin] était un génie."
Inspecteur Tarconi : "Non. Dean se tenait juste là avec une cigarette et un verre."
Frank Martin : "C’est exactement ce que je veux dire. Tout le monde peut tomber et faire rire. Mais combien de gens peuvent faire rire en se tenant tranquillement avec une cigarette et un verre ?"
[Le Transporteur III]
Johnson (Robert Knepper) : "J’aimerais vous offrir un poste."
Frank Martin (Jason Statham) : "J’aimerais vous en offrir un aussi. Assis dans une chaise roulante."
[Le Transporteur III]
"I'm the Terminator." [Hyper tension]
"I wonder how many steaks I could make out of you?" >> "Je me demande combien de steaks je peux faire avec toi…" [Hyper tension].
Errol (Andy Beckwith) : "C’est vous “le Turc” ?"
Turkish (Jason Statham) : "Ben je suis pas un putain de Grec, pas vrai ?"
[Snatch]
Mickey (Brad Pitt, avec son incompréhensible accent pikey) : "Et elle [sa mère] a un gros faible pour le bleu pervenche, les gars. Est-ce que j’ai été clair, les mecs ?"
Turkish (Jason Statham) : "Oui, c’est parfaitement clair, Mickey. Donne-moi seulement une minute pour que je discute avec mon collègue."
Turkish (à Tommy/Stephen Graham) : "Est-ce que tu as compris un mot à ce qu'il vient de dire ?"
[Snatch, voir ci-dessous en images :]
"For ever action, there is a reaction. And a Pikey reaction... is quite a fucking thing." >> "Pour toute action il y a une réaction. Et une vengeance de gitan… c’est une putain de vengeance."
[Snatch, voir ci-dessous en images]
L'humour à la Statham se décline aussi en pubs (sans jeu de mots), la preuve :
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