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Les films préférés des dictateurs

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Les films préférés des dictateurs Empty Les films préférés des dictateurs

Message par Alouqua Mar 26 Juil - 15:42

Si le cinéma a toujours constitué un puissant outil de propagande dans les dictatures, qu'en est-il des goûts propres aux personnalités souvent paranoïaques et mégalomanes qui incarnent ces régimes ? L'occasion de se pencher sur les films préférés de cinq dictateurs, et pas des moindres.
Dossier réalisé par Olivier Pallaruelo.

Adolf Hitler

Hitler, son amour pour Blanche-Neige...et King Kong

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De toutes les rumeurs entourant le chef Nazi du IIIe Reich, la plus étrange est sans doute la passion qu'il vouait au dessin-animé de Walt Disney : Blanche-Neige et les sept nains. En février 2008, un directeur de musée norvégien déclara avoir trouvé des dessins exécutés de la main même du Führer durant la Seconde guerre mondiale. Il découvrit en fait que les dessins étaient cachés dans une toile achetée dans une vente aux enchères en Allemagne, et signée "A. Hitler".

Certains de ces dessins représentent deux des personnages nains du film de Walt Disney : Timide et Doc, signés "A.H.", ainsi qu'un dessin non signé représentant le personnage de Pinocchio, tel qu'il apparaît dans le film de Disney en 1940. Le penchant artistique du dictateur n'est pas vraiment une découverte. Durant sa jeunesse, Hitler tenta sans succès de vivre de sa passion pour la peinture à Vienne, bien avant que les chemins ne le mènent au pouvoir.

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] les dessins en question (Copyright Reuters

Le directeur du musée, Mr Hakvaag, affirma que les initiales et la signature sur le tableau correspondaient exactement à l'analyse graphologique établit à partir de l'écriture du Führer. Hitler était connu pour posséder une copie de Blanche-Neige et les sept nains, adaptation d'un conte écrit à l'origine par les frères Allemands Grimm, eux-même inspirés par un mythe germanique. Ironie de l'Histoire : le film fut interdit sur le territoire allemand par l'efficace Ministre de la propagande Goebbels. Ce qui n'empêcha pas Hitler de considérer Blanche-neige comme l'un des meilleurs films jamais fait.

En dehors de son vif intérêt pour le travail de Disney, Hitler nourrissait semble-t-il une passion pour les films à gros budgets, dotés de nombreux effets spéciaux. La rumeur à ce sujet a d'ailleurs laissé entendre que son film préféré était King Kong, et qu'il regardait souvent des films de guerres et d'actions dans sa salle de projection privée.

Staline

Staline, l'homme qui aimait Tarzan...et voulut faire assassiner John Wayne

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Tandis que Hitler appréciait les films de Walt Disney, Joseph Staline préférait directement expliquer la manière de monter les films aux cinéastes russes, à commencer par Sergei Mikhailovich Eisenstein. De nouvelles archives du Politburo ouvertes dans les années 2000, ont mis à jour une passion dévorante du dictateur pour le cinéma. Il possédait ainsi dans chacune de ses maisons sa propre salle de projection et, dans les dernières années de sa vie, le cinéma devint non seulement son loisir préféré mais aussi une source d'inspiration politique. Les archives personnelles de Staline ont en fait révélé que le chef de la Russie se voyait tout à la fois producteur de films, réalisateur, scénariste, mais aussi censeur suprême (forcément...), suggérant les titres de films, idées, histoires, travaillant même sur des chansons, coachant les acteurs, etc...

Après une dure journée de labeur, le dictateur se rendait parfois en salle de projection. Il s'installait alors sur un siège à la première rangée, accompagné du terrifiant Lavrenti Beria, chef du NKVD (ancêtre du KGB) et membre du Politburo, Molotov, son ministre des Affaires étrangères, et Andreï Jdanov. "Qu'est-ce que le camarade Bolshakov va nous montrer aujourd'hui ?" demandait alors Staline. Terrifié, Bolshakov, Ministre du cinéma et de la propagande, devait alors jauger l'humeur du dictateur. Si elle était favorable, il pouvait se risquer à proposer un nouveau film soviétique...

Après la guerre, Staline hérita de la collection personnelle de films de Joseph Goebbels. Il appréciait ainsi les films de Charles Chaplin, ou New York-Miami. Il se fit même livrer Tarzan, l'homme singe ; un film qu'il appréciait grandement. Les westerns figuraient en bonne place dans ses goûts, notamment ceux avec Spencer Tracy.

Paradoxalement, Staline critiquait constamment les films américains, notamment les westerns, qu'il jugeait beaucoup trop anti communistes. C'est ainsi que John Wayne, anti-communiste notoire, fit les frais de son humeur. Considérant l'acteur comme une menace potentielle à la propagation de l'idéal communiste, le dictateur aurait demandé à la fin d'une projection à ce que l'acteur soit assassiné. Des hommes de mains furent dépêchés à Los Angeles, mais échouèrent dans leur mission peu avant que "le petit père des peuples" ne décède en 1953...

Saddam Hussein

Saddam Hussein et son amour des Thrillers

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Après la chute de Saddam Hussein, les exemples de sa mégalomanie se multiplièrent et portés à l'attention du grand public. Ainsi, cherchant à se rattacher au passé antique de la Mésopotamie pour des besoins de propagande, en se présentant parfois comme successeur de Hammurabi et de Nabuchodonosor Ier, le dictateur fit rebâtir une partie de l'antique cité de Babylone, laissant même des inscriptions de fondations comme le faisaient les anciens souverains babyloniens...

Pour ce qui est des films, on rapporte qu'il appréciait beaucoup les thrillers complexes, parce qu'il s'estimait aussi habile, sinon intelligent, que les personnages principaux. L'un de ses films fétiches était le Chacal, un classique signé Fred Zinnemann dans lequel des membres de l'OAS font appel à un tueur professionnel, surnommé le Chacal, pour éliminer le président Charles de Gaulle. Il tenait également en haute estime Ennemi d'Etat, le film d'espionnage / action emmené par Will Smith et réalisé par Tony Scott. Des films où les théories conspirationnistes occupent une bonne place. Si les dictateurs peuvent éventuellement apprécier les théories de complots dans les fictions, il n'en va pas vraiment de même dans la vraie vie...

S'il pouvait s'émouvoir devant Le Vieil Homme et la Mer, Saddam Hussein était semble-t-il fasciné par la saga du Parrain de Francis Ford Coppola, et le message du film. Celui-ci est finalement davantage l'histoire de Michael Corleone que celle de son père. La loyauté obsessionnelle envers son père et sa famille, à un ancien code d'honneur, le conduisent à détruire tout ce qui est censé être protégé. Au final, la famille de Michael est déchirée par la tragédie et la haine. Il ordonne l'exécution de son propre frère, choisissant la loyauté au code plutôt que celle envers sa famille, devenant ainsi une figure tragique et mal aimée. Un lointain écho sans doute à la propre vie familiale du dictateur, ô combien mouvementée...

Kim Jong-Il

Kim Jong-Il, prêt à tout pour un bon film

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De tous les profils, Kim Jong-Il est sans doute le plus jusqu'au boutiste dans sa passion, au point de carrément faire enlever un réalisateur et une actrice afin de les forcer à faire des films pour lui...Telle est la terrifiante et malheureuse histoire du réalisateur Sud Coréen Shin Sang-ok et de sa femme Choe Eun-hui. Celle-ci fut enlevée à Hong Kong par les services secrets Nord coréens en 1978. Jetée à fond de cale d'un bateau, elle fut emmenée -sous sédatifs- jusqu'à Pyongyang; un voyage de 8 jours. Le réalisateur, inquiet de ne pas voir revenir sa femme, se rendit alors à Hong Kong, avant d'être séquestré à son tour...

En deux ans, Shin Sang-ok tourna plus de 20 films pour le dictateur, pour des budgets toujours équivalent ou supérieur à 2,5 millions de dollars. Pour trouver l'inspiration, le metteur en scène piochait dans l'hallucinante collection de films du dictateur : près de 20.000 ! Il nota alors que les films les plus regardés par Kim Jong-Il étaient notamment les exploits guerriers de Rambo, suivi par Vendredi 13 (sic !) ou encore la saga des James Bond.

Pour l'anecdote, Kim Jong-Il est aussi un fan absolu de Barbra Streisand et Michael Jordan. En fait c'est un fervent supporter de la NBA. Il lui est même arrivé d'interrompre à plusieurs reprises des réunions de gouvernement pour suivre des matchs importants...Son intérêt pour le basket est d'ailleurs tellement notoire à l'étranger que les services secrets américains envisagèrent un temps d'envoyer Michael Jordan en Corée du Nord pour une mission diplomatique. Mission que le joueur a décliné, peut-être conscient du sort peu enviable réservé au réalisateur Sud coréen séquestré...

Fidel castro

Fidel Castro, fasciné par Spielberg

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Etonnamment, Fidel Castro a semble-t-il apprécié Che, le biopic réalisé en 2008 par Steven Soderbergh qui retrace la vie de son compagnon d'arme : Ernesto Guevara. Mais c'est sans doute sa passion pour l'oeuvre de Steven Spielberg qui intrigue. En fait, de nombreux films du réalisateur furent même autorisés à être projetés à Cuba, parmi lesquels A.I. Intelligence artificielle, E.T. l'extra-terrestre, ou encore Minority Report. Très sévère en matière d'importations, Castro semble en revanche autoriser de nombreux films américains sur le territoire cubain, et encourage même les réalisateurs et le casting à venir dans l'île à la suite des projections, même si pour cela ces derniers doivent demander au gouvernement américain une autorisation.

Dans un passionnant billet publié sur le site de CBS en 2003, le journaliste Damien Cave évoque les rapports qu'entretient le régime avec le cinéma et plus particulièrement le cinéma américain, à l'occasion du festival du cinéma latino-américain. Steven Spielberg fut invité cette année-là. Une rétrospective de l'oeuvre du cinéaste fut organisée. Mais c'est Minority Report qui a retenu l'attention. Avec les dérives policières digne de Big Brother que montre le film, "il n'aurait probablement jamais été projeté en temps normal si Spielberg n'avait pas été là, et les cubains ont parfaitement compris le message : l'ennemi est en nous" explique-t-il.

Bien que Castro ait souvent promis de ne jamais céder aux sirènes du capitalisme, préférant en cela la célèbre maxime "plutôt le socialisme ou la mort", l'industrie hollywoodienne représente une exception. Car c'est l'un des deux produits culturels américains, avec le baseball, que les cubains et le Lider Maximo peuvent apprécier. Plus ou moins librement.


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